Another funny night. Or not. [R.]

Le feu de camp rassemblait la majorité des habitants mais ce soir-là, Joshua avait préféré resté avec sa solitude. L’obscurité était maître dans la caravane, seul la lune laissait entrer sa lumière par une fenêtre. Les mots défilaient sous ses yeux à une vitesse folle. Il tourna la page sur une autre série de mots et ses yeux se remirent directement en mouvement. Il avait déjà lu le livre trois fois auparavant mais cela ne l’empêchait pas d’être toujours aussi absorbé par l’histoire. Il était boulimique des mots, de l’imaginaire. Depuis tout petit il se rêvait dans la peau du héro, vivant mille et une histoires extraordinaire jusqu’à ce qu’il ressente l’envie à son tour de laisser parler sa plume. Lorsqu’il était, comme à l’instant, si plongé dans son activité favorite, il était difficile de l’en tirer. Ni le bruit des enfants jouant à quelques mètres, ni la musique qui accompagnait toujours le feu de camp ne pouvait le distraire. Ce n’est donc pas tout de suite qu’il réalisait qu’on frappait à la porte de sa caravane, pourtant, en tendant l’oreille, il reconnu la combinaison qu’il avait mis au point avec Deborah.

« C’est ouvert. » Un large sourire se dessina alors sur son visage et il déposa son livre au dessus d’une pile de tout un tas d’autre chose avant de se diriger vers sa compagnie de la soirée, une lueur espiègle déjà présente dans son regard. Elle n’était juste pas comme les autres, c’était d’ailleurs étrange, la vitesse à laquelle elle avait su se faire une place dans la vie de l’écrivain alors qu’elle n’était pas au camp depuis très longtemps. Leur entente avait d’abord été physique, rien de bien étonnant lorsqu’on connaît un minimum Joshua. Et croyez-le, ce minimum n’est vraiment pas grand-chose. Très vite, le caractère quelque peu atypique de la jeune femme aidant, ils étaient aussi devenus des amis. Alors certes, ce n’était pas l’amitié la plus traditionnelle qui soit, mais elle était bien réelle.

Encouragé par ce qu’il pensé être une envie de Deborah de passer une nuit charmante en sa compagnie- pour quelle autre raison serait-elle venue le rejoindre ?- il posa ses mains sur ses hanches alors que son visage plongeait déjà en direction de son cou. Il lui fallu quelques secondes pour comprendre que finalement, il s’était certainement trompé sur l’intention de sa visite. Il fronça, il fit un pas en arrière et fronça les sourcils. Il la toisa du regard, cherchant un quelconque indice à ce comportement suspect. Avait-il fait quelque chose de mal la dernière fois ? Peu plausible. Aurait-il écrasé par mégarde une de ses jolies fleurs ? Il n’en avait aucun souvenir. Un malentendu alors ? Les chances étaient encore une fois très minces, si elle avait vraiment quelque chose à lui reprocher, elle ne se serait pas gênée de lui faire très rapidement remarquer. Heureusement, il était écrivain, il aurait fait un piètre détective. « Qu’est-ce qu’il se passe ? »

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Son plan était infaillible. Deborah était restée quelques minutes au feu de camp à papoter fleurs et yoga, comme elle le faisait toujours, puis profita d’un moment pour s’éclipser vers la caravane la plus populaire du camp : Joshua. Arrivée à la porte, elle s’arrête quelques secondes. C’était quoi ce foutu code encore ? Il lui avait pourtant répété une bonne centaine de fois mais jamais elle ne parvenais à s’en souvenir… Au pire il penserait à une autre et elle pourrait entrer et c’était de notoriété publique que Joshua ne faisait guère le difficile. Alors elle se lança et se mit à frapper à la porte. Le code secret. Quel soulagement de l’entendre dire que c’était ouvert. Une petite victoire pour Lymonn qui pénétra dans l’obscurité de la caravane. Peut être avait-elle des problèmes de vue mais pendant un instant elle ne vit absolument rien et se mit à tâtonner un peu partout jusqu'à renverser une pile de livre. «C’est moi. » fit-elle en chuchotant avant de réaliser à quel point c’était idiot : elle venait de faire un boucan d’enfer, pourquoi continuer de jouer la carte de la discrétion. «C’est moi, au cas où tu ai un doute sur mon identité. » Finalement sa vue s’ajusta à l’obscurité et Deborah lança un sourire rayonnant à Joshua qui semblait tout aussi ravi de la voir, sans doute pas pour la même raison et c’était cela qu’elle trouvait si hilarant.

En le voyant s’avancer vers elle, la jeune femme continuait de sourire tout en se disant ‘mon vieux tu n’a aucune idée de ce qui t’attends’ ce qui était clair puisque Joshua ne tenta même pas d’engager une banale conversation et passa directement aux gestes. Lorsqu’il posa les mains sur ses hanches elle failli céder à la tentation et tout oublier du plan initial. Puis son visage s’approcha et alors qu’elle était à deux doigts de se dire qu’elle remettrait ça à demain, elle stoppa. Non, elle devait être forte même si elle avait cet homme pour adversaire. Il était tellement charmant quand il voulait que cela en était réellement déstabilisant. Même lorsqu’il recula avec son air totalement paumé, il était toujours aussi attirant. C’était sérieusement inhumain.
La question du jeune homme lui fit reprendre ses esprits. Oui, tout allait bien. Pour simple réponse, elle se contenta de lui prendre les mains. «J’ai eu une idée. Ou une proposition si tu préfères. » Et il n’allait pas être déçu.
Joshua et Deborah étaient amis. Des amis qui couchaient régulièrement ensemble mais des amis quand même et elle voulait voir Joshua heureux mais principalement, elle voulait le voir avec Billie et pour ça elle était prête à tout.

Alors qu’elle n’avait pas encore fait part de son idée, elle sentait les mains de Joshua lui échapper, celui-ci l’attira contre lui, ce qui la fit glousser – et ce qui lui donna un air totalement stupide.- «Désolée pour les livres au fait... » Elle caressa la joue de son ami avant de lui donner le coup fatal «… Parce que la seule chose que tu pourra tripoter ce sont tes bouquins. » Cette dernière phrase il l’avait sans doute bien entendu puisqu’il ne fit plus un geste. «Et accessoirement, je t’en veux d’avoir assassiné la fleur que je t’avais donné… »

«Et oui, maintenant tu ne me verra plus sans mes vêtements. » oh, merde, c’est que cette réplique sonnait mieux dans sa tête. «sauf si… » pause volontaire afin de savoir si la victime était prise au piège.

[Désolée pour cette horreur

]

Il était un fait certain que Joshua adorait les représentantes du sexe opposé, il était aussi indéniable qu’il avait un mal fou à les comprendre. Une fois de plus, il l’apprenait à ses dépends.
D’abord déconcerté par le manque de réactivité de Deborah, il fut néanmoins vite rassuré lorsqu’elle évoqua une idée. Rien ne l’empêchait d’avoir les mains baladeuses pendant qu’elle parlerait de cette proposition. Inutile de préciser que Joshua se méprenait complètement sur la nature de ladite proposition. Il libéra ses mains de celle de la jeune femme et vint les replacer sur ses hanches, où elles les avaient inutilement délogées plus tôt, et précisa encore sa pensée en l’attirant contre lui, prêt à accepter n’importe laquelle des propositions. Ou presque.

Sans aucun doute, il devait faire une drôle de tête alors que ses mains s’étaient arrêté net en pleine exploration, frustrées d’avoir à peine pu effleurer le haut de la jeune femme. Il lui fallut quelques secondes pour réagir à la nouvelle brutale. « Quoi ? » La première réaction était encore impulsive, les neurones de Joshua n’avaient semble-t-il pas encore compris comment décoder ce genre d’informations saugrenues. L’incompréhension était légitime, il n’y avait aucune raison à ce qu’ils arrêtent leur petit jeu. L’écrivain se mit alors à réfléchir Deborah avait émis une idée, à lui de lui faire changer d’avis. Plan A : changer de sujet et attaquer le point faible. « Quelle fleur ? Oh je suis désolé, tu sais à quel point je suis maladroit, mais j’aime ces petits cadeaux de la nature. » Aurais-je oublié de préciser qu’il n’était pas bon comédien ? A la vue de l’inefficacité de sa stratégie primaire, il décida simplement d’aller droit au but. « On ne pourrait pas s’en tenir au plan initial, tu sais, on couche ensemble ? » Revenant alors à une partition qu’il connaissait par cœur, ses doigts, jusqu’à lors figés dans une position bizarre sous les virulentes hypothèses Lymonnienne, attaquèrent de nouveaux et s’engouffrèrent sous le tissu.

« Sauf si ?… » Répéta-t-il en écho à la jeune femme, un léger sourire malicieux aux lèvres. Elle lui avait peut-être bien signifier clairement que ce geste lui serait désormais interdit, il n’en faisait qu’à sa tête. Il doutait sérieusement que son comportement entreprenant ait un résultat qui lui conviendrait, cependant, rien ne lui empêchait d’essayer, et de croire que son charme s’occuperait du reste. De plus, vu l’amour que portait Deborah aux fleurs et au yoga, il était quelque peu sceptique quant à ce qu’elle lui réservait. Il était hors de question qu’il fasse du tricot. Bien que ces mains ce soient aventurées dans des contrées délicieuses, ses yeux scrutait le visage de la jeune femme, impatient, évidemment de connaître la suite de son absurde pensée. Son sourire s’estompait au fil des secondes, à y regarder de plus près, son amie semblait bien sûre d’elle. Il n’était pas sûr que la suite de la soirée allait lui plaire.

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Si elle ne l’avait pas encore compris en entrant dans la caravane du jeune homme, c’était désormais clair : il était impossible d’avoir une conversation avec cet individu aux mains baladeuses. Il faut dire, que Deborah débarquait rarement -– bon, pour être totalement honnête : jamais - pour simplement discuter. Première chose à faire, repousser Joshua, encore. Il était pire qu’un boomerang, revenant sans cesse vers elle et c’était une qualité que la jeune femme devait lui reconnaître, il était incroyablement tenace. Mais alors qu’elle fut satisfaite du résultat qu’avait provoqué sa dernière phrase, cela ne dura pas bien longtemps avant de le voir revenir à la charge. Peut être n’avait-elle pas l’air suffisamment sérieuse en annonçant qu’ils ne coucheraient plus ensemble, peut être pensait-il qu’il s’agissait là d’une nouvelle fantaisie de la part de Deborah mais quoi qu’il en soit, elle ne pouvait pas exposer son idée sans établir une certaine distance entre elle et Joshua.
Alors pour la énième fois, elle repoussa le jeune homme. Plusieurs centimètres séparaient les deux individus – Deborah ayant pris soin de choisir une distance suffisante, c’est à dire que même s’il tentait de tendre les bras pour la toucher, il n’y parviendrais pas. «C’est important et c’est pour ton bien. » fit-elle au bon d’interminables minutes. Tout ce qu’elle avait préparé, le petit discours tant répété il avait tout foutu en l’air et voilà qu’elle devait tout reprendre. Alors oui, c’était important et pour son bien mais c’était aussi pour satisfaire son côté entremetteuse.
«Tout d’abord, il faut que tu saches que je tiens beaucoup à toi, tu le sais et on veux tous ton bonheur. » Ce début de discours avait tout simplement l’air de dire ‘tu va mourir’ ou ‘quelqu’un que tu aimes va mourir’ en résumé, elle ne prenait pas le bon chemin pour lui expliquer clairement la situation. Chose qu’elle se sentait obligée de lui expliquer immédiatement «Tout le monde va bien ! je suis pas en train d’essayer de… » Elle s’enfonçait. «Ce que je veux dire c’est que… » Tout à coup elle se mit à sourire. Cette confiance qu’elle avait en entrant venait tout à coup de lui revenir et c’est dur un ton plus que joyeux qu’elle annonça sans tarder son ‘plan’ «Je fais grève. Plus de sexe. Pas avec toi en tout cas… » Et voilà. Elle n’en était pas certaine mais elle avait l’impression de voir le visage Joshua se décomposer sous ses yeux. «Et ne va pas croire que tu pourra trouver d’autres filles, parce que crois moi j’ai fait le nécessaire. » bluff.

Et voilà, maintenant qu’elle avait lâché la bombe. Elle se rapprocha de lui – gardant néanmoins une certaine distance - «Ne crois pas que je plaisante. Je suis sérieuse. » Et elle l’était. Voir son ami passer de filles en filles de cette manière, elle l’avait accepté et n’y voyait aucun inconvénient à vrai dire puisqu’elle faisait partie de ces filles mais il y avait le facteur Billie. Il était clair qu’ils avaient de sérieux sentiments l’un envers l’autre mais surtout d sérieux problèmes de communications, les empêchant de dévoiler ce qu’ils éprouvaient. C’était une honte, ces deux-là avaient une chance de vivre une belle histoire et ils étaient en train de tout foutre en l’air mais pour Déborah, il n’y avait qu’un seul coupable dans cette histoire : lui. C’est lui qui n’y mettait aucune volonté à refouler les sentiments qu’il éprouvait, et c’est lui qui continuait de batifoler sans voir qu’il faisait du mal à la jeune femme – tête de mule elle aussi – «Tu dois être honnête avec toi même. Je sais et toi-même tu le sais que tu éprouves des sentiments pour Billie mais tu refuses de l’admettre. Pourquoi ? Tu es en train de tourner le dos à ce qui pourrait être une belle histoire… Je peux t’aider. Mais admets que tu ressens quelque chose… » la phrase lui semblait incomplète alors elle rajouta un rapide « … Bordel ! »

Elle le repoussa une nouvelle fois, Joshua aurait presque pu être vexé s’il ne s’agissait pas de Deborah. Il ne put cependant s’empêcher de sourire bien longtemps. Pour son bien hein ? L’abstinence n’était pas franchement l’idée qu’il en avait. Sa frustration fut vite chassée par la curiosité. Il croisa les bras et haussa un sourcil, s’amusant de voir son amie incapable de finir une phrase. Par contre, quand un sourire s’imita sur le visage de la jeune femme, ça ne sentait pas bon du tout.

« Grève ? » répéta-t-il, ahuri. « Tu peux pas faire une grève de sexe ! » Il crut d’abord qu’elle était malade et s’avança pour poser une main bienveillante sur le front de Deborah : aucune fièvre. Il fronça les sourcils et recula d’un pas, il examina la jeune femme, espérant que le traitement de cette bien triste maladie lui saute aux yeux. « Plus avec moi ? Tu vois quelqu’un d’autre alors ? » C’aurait été l’explication parfaite, qui non seulement expliquait l’intolérance soudaine de Deborah aux contacts charnels et qui de plus, ne traumatiserait pas sa fierté. « Sous-estimerais-tu mes capacités ? »

Il ne vit pas la bombe arrivé, pourtant, avec Deborah, il aurait du s’en douter, il est vrai qu’elle n’arrêtait pas de parler de Billie le peu de fois où les deux maintenant ex-amants, il ne se faisait plus d’illusions, avaient discutés. Joshua réagissait d’ordinaire comme si toutes les fabulations de son amie ne le concernaient pas. Mais cette fois son visage se ferma, il s’éloigna même d’elle. Ah, pas très plaisant d’être rejeté n’est-ce pas ? Il resta muet un long moment, se contentant de regarder celle qui lui avait épargné une soirée paisible. Finalement il ouvrit la bouche, et bien que les secondes aurait du lui permettre de trouver des mots justes, cette pause avait plutôt eu l’effet inverse. « Mais pour qui vous vous prenez tous ? J’ai le droit de prendre mes propres décisions !» Comment pourrait-il tous voir qu’il ressent quelque chose pour l’institutrice alors que son esprit était lui-même confus à ce sujet ?

« Admettre que je ressens quelque chose ? Tu veux que je te dise la vérité, que je sois honnête avec toi ? Bien sûr elle me plaît, comme beaucoup d’autres. Au début, ce n’était qu’un jeu… » Sa respiration rapide, animée par la colère, il s’arrêta un instant, il cherchait ses mots. « Maintenant c’est terminé. » Il détoura le regard. Par la fenêtre, il voyait des visages d’habitants interpellés par les cris.

« Tu m’excuseras, mais finalement, j’ai du travail qui m’attends. » Il se dirigea vers son lit, sans un regard supplémentaire pour la jeune femme. Il attrapa un bouquin au hasard, peut-être le même qu’il lisait avant l’arrivé de Deborah et se jeta sur le matelas comme le ferait un enfant puni. Il fixait certains mots au hasard, sans pour autant y comprendre une seule phrase, essayant de se donner contenance. Il était conscient que cette colère n’était pas uniquement le fruit des réflexions le liant à la jolie blonde. Il lui aurait suffit de déclarer qu’il ne ressentait rien pour Billie, qu’il arrête de la chercher des yeux, tout aurait alors été plus simple. Pourtant, Il ne faisait rien de cela.